Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/367

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envoya à sa belle-sœur une somme énorme, levée sur ce peuple même qu’il se flattait d’apaiser. Toute cette combinaison de difficultés que le caractère du pontife rendait insurmontables, se présentèrent à son esprit sous un aspect si douloureux, si effrayant, que sa tête surchargée d’années céda au poids nouveau qui vint l’opprimer. Les médecins, à qui dona Olimpia ne manqua pas de faire répéter leurs prescriptions chaque jour, déclarèrent que le pontife devait s’abstenir de toute contention d’esprit, en sorte qu’au bout de quelques jours Innocent ne faisait absolument plus rien que par l’intermédiaire de sa belle-sœur.

C’était avec une sollicitude minutieuse qu’elle gouvernait la vie journalière du pape ; elle avait inventé une espèce de cérémonial pour donner accès auprès du souverain à ceux à qui il était impossible de le refuser. Les avertissements d’Antoine Barberin sur la mauvaise disposition du clergé espagnol avaient été d’autant plus attentivement écoutés, qu’Azzolini était parvenu à apprendre qu’un ou deux moines fanatiques, arrivés dernièrement de Barcelone à Rome, s’étaient vantés d’avoir des ordres supérieurs pour débarrasser la chrétienté, à quelque prix que ce fût, d’un chef spirituel qui favorisait l’hérésie par sa conduite scandaleuse. Les empoisonnements étaient fort communs alors, à Rome comme dans toute l’Europe, et pour les prévenir, dona Olimpia visitait tous les aliments destinés au saint-père, interdisait l’entrée des cuisines à tout autre qu’à celui chargé du soin d’apprêter les repas, et souvent même elle poussait la précaution jusqu’à faire goûter une portion des mets par des animaux. Ces soins n’étaient pas inutiles pour elle-même, non moins poursuivie par la haine que le pape, avec lequel elle prenait presque journellement ses repas. Ordinairement, Pablo dressait une petite table près du lit du malade. Dans les premiers temps, dona Olimpia se contentait de servir le pontife, mais bientôt ce fut le souverain lui-même qui ordonna à sa belle-sœur de s’asseoir et de partager son repas. Toutes les petites attentions féminines furent mises en œuvre en ces occasions par la belle-sœur du pontife, et ce moment de la journée ne tarda pas à devenir pour lui celui qu’il attendait pendant