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— Allons donc, Ernest ! dit M. de Liron sans attacher la moindre importance au reproche qu’il allait faire ; les jeunes gens ont toujours la mauvaise habitude de ne pas arriver à temps. Ta cousine, j’en suis persuadé, est loin d’approuver ces manières, et je pense qu’elle t’en dira son avis. N’est-ce pas, Justine ?

— Oui, certainement, répondit aussitôt mademoiselle de Liron, qui, pour couper court à cette harangue, se mit à faire les honneurs de la table à son père, puis à Ernest, dont la physionomie, redevenue sombre et mécontente, se maintint telle malgré les sourires d’encouragement qui lui étaient prodigués.

Ne pas parler de l’événement du jour et du personnage attendu dans la soirée, c’était la chose impossible. Aussi M. de Liron, comme on s’en doute bien, mit-il ce sujet sur le tapis.

— Eh bien ! dit-il à sa fille en regardant Ernest, tu lui as annoncé la nouvelle, n’est-ce pas ?

— Oui, mon père.

— Enfin, mon cher Ernest, continua le père, voilà ta cousine mariée ; cela doit te faire grand plaisir ?

— Le pauvre jeune homme fit respectueusement une inclinaison de tête sans souffler un mot, et mademoiselle Justine baissa les yeux vers son assiette.

— Il va en résulter un grand changement ici, reprit M. de Liron ; mais au surplus il ne pouvait en être autrement. Depuis plus de six mois, mon cher ami, je cherche les moyens de te faire entrer dans la carrière que ton père a parcourue avec distinction, et j’ai tout lieu de croire que M. de Thiézac, mon gendre futur, celui que nous attendons ce soir, va m’apporter des nouvelles favorables à ce sujet. Je vous assure, continua-t-il en s’adressant aux deux assistants, que je me trouve bien heureux de pouvoir presque au même moment assurer l’avenir de mes enfants. Tu ne m’en veux pas, Justine, de ce que je donne ce nom à Ernest ?

— Grand Dieu ! vous en vouloir, mon père ? Ah ! que n’est-il mon frère ! Mademoiselle de Liron prononça avec tant de force et d’émotion ces paroles, dont le sens vague