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permettait le choix des interprétations, et l’accent dont elles furent dites produisit une si vive impression sur Ernest, qu’il prit la main de sa cousine et la couvrit de baisers et de larmes.

— Bien ! bien ! mon ami, s’écria le vieux père, enchanté de voir la bonne union qui régnait dans sa famille ; je suis content.

Ce moment d’effusion débarrassa le cœur d’Ernest d’un poids énorme et remit de l’aisance dans la conversation pendant le reste du repas. Le jeune homme put entendre prononcer le nom de M. de Thiézac. Il alla même jusqu’à dire oui ou non quand on le consulta sur les apprêts de la réception du soir.

Cependant la maison était déjà en émoi, et une heure après le dîner tout était préparé pour l’arrivée de M. de Thiézac. C’était un homme de cinquante ans, qui, bien qu’ayant exercé la magistrature, n’avait pas laissé que de payer tribut, dans sa jeunesse, à des divinités beaucoup moins graves que Thémis. Avant d’arriver à Chamaillères, pour se présenter à sa future et traiter de son mariage, il avait été passer une saison et prendre les eaux an mont d’Or. C’est de là qu’il était attendu et qu’il arriva en effet vers les sept heures et demie du soir.

M. de Liron, soutenu par le bras d’Ernest, fit un effort sur lui-même pour sortir de la maison et aller jusqu’à la grande avenue de noyers qui conduisait à la porte principale. C’est de là qu’ils virent entrer la litière portée par deux mules, dans laquelle M. de Thiézac avait préféré revenir des bains pour voyager avec plus de promptitude et d’agrément.

Cet équipage n’est guère réservé qu’aux malades et aux dames, aussi son apparition ne contribua-t-elle pas peu à augmenter les préventions défavorables qu’Ernest avait naturellement contre celui qui arrivait.

Dès que la litière fut parvenue à une petite distance de M. de Liron, M. de Thiézac fit arrêter les mules et mit pied à terre. Malgré ses cinquante ans et une santé qui n’était pas robuste, libre dans ses mouvements et n’ayant pas encore entièrement renoncé aux manières élégantes de sa jeunesse,