Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/370

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pour son état ; mais enfin, ma chère princesse, comment se porte-t-il ? Est-il plus mal ? répéta-t-elle avec cette même expression de curiosité et d’inquiétude qu’elle avait déjà montrée. — Venez, venez par ici, dit dona Olimpia en l’entraînant dans une chambre voisine, je vais vous satisfaire. »

À peine furent-elles seules, que dona Agathe, s’approchant de l’oreille de dona Olimpia, lui dit d’une voix très-basse : « J’ai bien mes raisons pour vous demander comment il se porte ! Mais d’abord, dites-moi, est-il en danger ? Combien croyez-vous qu’il puisse vivre encore ? car les moments seraient précieux, il ne s’agit pas d’une bagatelle ! » En parlant ainsi, la vieille avait un ton de sincérité, et son regard laissait échapper quelque chose de si pénétrant, que dona Olimpia pensa que sœur Agathe lui faisait reproche de ne pas s’occuper de ce qu’il y avait de plus important dans ce moment suprême. « Soyez sans inquiétude, ma sœur, dit-elle aussitôt ; son confesseur lui a encore fait visite ce matin, et vous devez bien penser quelle est l’exactitude de ma prévoyance, pour l’accomplissement des plus minutieux devoirs qu’imposent notre sainte Église. — Mais vous ne me comprenez pas, ma chère princesse : qui est-ce qui pensera que vous n’agissez pas en bonne chrétienne auprès d’un mourant ? Il s’agit de toute autre chose. — De quoi donc ? — D’un testament ! — Que voulez-vous dire ? demanda dona Olimpia, saisie d’effroi à ce mot. — On répète dans Rome, et il y a des gens bien instruits qui assurent que le saint-père lègue deux millions à la chambre apostolique. — Que dites-vous là ? — Ce n’est pas tout, continua la vieille en parlant plus bas qu’elle n’avait fait encore, car il dispose d’un million pour l’achèvement de cette maudite église de Sainte-Agnèse ! Trois millions enlevés d’un coup à la famille, ma chère princesse ; qu’en dites vous ? — Mais vous croyez-vous bien instruite, ma sœur ? demanda la princesse, qui, sans être moins effrayée intérieurement, avait repris de l’empire sur elle-même. — Allez, quand le prieur de notre couvent se mêle de donner des nouvelles, ce qui ne lui arrive pas souvent, c’est qu’il est sûr de son fait. — J’ignore absolument si le saint-père a pris ces dispositions, dit dona