Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/371

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Olimpia avec gravité, mais vous connaissez assez bien l’attachement profond que je porte à notre famille, et je réunis à dessein la vôtre et la mienne, pour être certaine que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour concilier les intérêts de la gloire de sa sainteté avec les justes espérances sur lesquelles peuvent compter ses héritiers en ce monde. — Eh ! ma chère princesse, interrompit dona Agathe, c’est précisément parce que je sais que personne n’est mieux disposée, mieux placée que vous pour débrouiller ce mystère et en prévenir le triste résultat, que je suis venue tout aussitôt vous en parler. Mais enfin, comment va mon frère ? Que disent les médecins de sa maladie ? Vous-même, que pensez-vous de la durée de ses jours ? Car enfin, je le répète, ce n’est pas une bagatelle que ces trois millions ! — Soyez sans inquiétude, j’en fais mon affaire, dit en riant dona Olimpia, qui s’aperçut bien qu’elle ne pourrait jamais arriver à avoir une conversation grave avec dona Agathe, et repassons chez le saint-père pour nous assurer s’il est en état de vous voir et de vous entendre. Mais parlez bas, ma sœur, car le plus léger bruit prolonge ses défaillances. »

Elles rentrèrent dans la chambre. Mais le pape était plongé dans une de ces somnolences qui duraient souvent des heures entières. Cette fois, sœur Agathe marcha et parla avec précaution. Dona Olimpia s’approcha de l’alcôve, et soulevant le rideau : « Il dort toujours, dit-elle ; respectons son sommeil. — Pauvre cher homme ! s’écria la vieille religieuse en se signant, on dirait d’un corps saint ! » Puis s’étant mise à genoux, elle fit une prière pour la conservation du pontife malade, pour son frère qu’elle aimait sincèrement. « Adieu, dit-elle en baissant encore la voix, quand elle se fut relevée ; adieu, madame ; soignez-le bien ; je me retire pour qu’il repose tranquillement. » Elle se dirigea vers la porte, qu’Olimpia ouvrit avec précaution, et quand elle l’eut dépassée, se retournant tout à coup, elle prit avec vivacité la main de la princesse, à qui elle dit à l’oreille : « N’oubliez pas les trois millions, au moins ! »

La recommandation était superflue, car dona Olimpia ne pensait plus à autre chose. S’étant replacée sur le siége près