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pondait pour lui, on introduisait encore dans sa chambre les ministres, les cardinaux et les ambassadeurs. On y tint des consistoires ; les affaires les plus importantes y étaient agitées, et chaque jour les antichambres étaient assiégées de gens se hâtant d’apporter des dons précieux, des sommes immenses, pour obtenir de dona Olimpia, avant que le pape mourût, des abbayes, des bénéfices et des faveurs de toute espèce. On dit que dans ces derniers jours cette femme fit des recettes énormes. Mais ce qu’on aura peine à croire, c’est la précaution qu’elle prenait pour que personne autre qu’elle ne pût profiter des derniers éclairs de vie du pontife mourant. Ordinairement, à l’heure où elle allait passer quelques instants à son palais de la place Navone, pour peu qu’elle supposât que la somnolence du pape ne durerait pas tout le temps de son absence, elle fermait la porte de la chambre du malade et emportait la clef. Ses soins étaient devenus tellement indispensables au pape, et dans ces derniers temps elle l’avait si bien accoutumé à n’être servi que par elle, qu’Innocent lui-même, loin de s’étonner de cette étrange précaution, ordonnait à dona Olimpia de la prendre, « afin qu’une main étrangère, disait-il, ne vînt pas le blesser. »

Mais enfin cet état de choses ne put durer. Un matin, le médecin Parisio déclara à la princesse de Saint-Martin qu’il fallait s’occuper du salut de l’âme du pape. Cette fois, ce fut dona Olimpia qui chercha à prolonger en quelque sorte le nombre des jours du pape en jetant de l’incertitude sur le diagnostic du docteur. Mais Parisio fut aussi ferme et aussi précis dans sa décision, en cette circonstance, qu’il s’était montré prudent, incertain même, la première fois qu’on l’avait interrogé.

Le médecin avait accompli sa promesse envers Olimpia en l’avertissant la première du danger. Mais sans perdre un seul instant, il alla remplir les devoirs de sa charge auprès des grands officiers du pontife, à qui il fit connaître le danger où était la vie du souverain. Parisio ne tarda pas à rentrer dans la chambre du malade, près duquel il trouva dona Olimpia, qui, pâle et les traits altérés, tenait la main de son