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beau-frère. Soit qu’elle l’eût prévenu de son état, ou que le pape s’en fût douté en voyant le trouble de celle qui l’assistait, il paraissait avoir repris de la présence d’esprit et du calme. « Voilà le terme arrivé, disait-il à sa belle-sœur lorsque le médecin rentra : la volonté de Dieu soit faite ! »

Parisio, voyant que ce qu’il y avait de plus difficile dans ses devoirs, c’est-à-dire d’entrer en matière, était aplani, se mit à genoux près du lit du pontife, en lui disant qu’il était temps que sa sainteté pensât aux devoirs que tout chrétien doit remplir au moment de passer dans une meilleure vie.

Innocent fit un effort pour joindre les mains, il baissa les yeux et murmura une prière. Tant qu’elle dura, dona Olimpia et Parisio tinrent les yeux fixés sur lui, incertains qu’ils étaient de savoir comment le vieillard allait être affecté de cette espèce de sentence. Mais Innocent, dont la mobilité d’esprit et la faiblesse de caractère avaient été si grandes tant que son existence dépendit des choses terrestres, se montra tout à coup ferme, résigné et grand, lorsqu’il se sentit près des portes de l’éternité. Il remercia affectueusement, mais avec dignité et sang-froid même, dona Olimpia de tous les soins qu’elle avait pris de lui. Dans les paroles entrecoupées qu’Innocent lui adressait, il était facile de s’apercevoir que, depuis l’avertissement grave que venait de lui donner le médecin, son esprit, déjà élancé dans un autre monde, jugeait de là tout différemment ce qui se passe en celui-ci. Le voile des illusions était tombé tout à coup, et en repassant dans sa mémoire les jugements sévères que l’on avait souvent portés contre lui, il les trouvait justes. « Ma sœur, dit-il en terminant, unissez vos prières à celles de toutes les personnes qui voudront bien en adresser à Dieu pour nous, car nous sommes de grands pécheurs. »

En employant la formule collective, le souverain, qui d’ailleurs avait parlé avec une gravité extraordinaire, fit une profonde impression sur dona Olimpia. Elle s’aperçut que pour la première fois Innocent la voyait comme il ne l’avait jamais vue. De part et d’autre toute illusion était détruite. Le pontife témoigna bientôt le désir de voir les siens pour leur faire ses adieux et leur donner sa bénédiction. La fa-