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lettre à l’ambassadeur, qui m’a promis de la joindre aux dépêches qu’il envoie cette nuit à sa cour. Je lui en ai dit l’objet, en l’engageant à nous servir auprès de son maître. Vous comprenez qu’il ne manquera pas d’instruire le roi de la faction importante dont nous sommes les chefs dans le sacré collège, et je serais bien surpris si cette considération ne portait pas sa majesté catholique à user d’indulgence envers nous, afin que nous nous montrions reconnaissants envers elle.

Antoine prit lecture de la lettre, après quoi François ajouta : « Vous voyez que j’ai eu soin, tout en avouant les chances favorables de Chigi, d’insister sur celles de Sachetti, en laissant entrevoir que l’élection de ce dernier dépend de nous, si nous voulons insister en sa faveur. Tout ce qui nous concerne est donc prévu ; mais il nous reste à préparer dona Olimpia sur les résultats probables du conclave. — Oh ! elle en est bien inquiète, dit le cardinal Antoine. — Et je le conçois, répondit son frère ; mais il faut cependant qu’elle s’y prépare. Peut-être feriez-vous bien, mon cher Antoine, d’aller la voir à ce sujet. Elle a confiance en vous, elle vous aime, elle est habituée à votre conversation, et plus que tout autre, vous êtes à même de la faire revenir des préventions exagérées, il faut le dire, qu’elle a contre Chigi. Tenez, croyez-moi, ne perdez pas de temps, allez-y tout de suite ; car je crains que, dans l’excès de son humeur contre cet homme, elle ne fasse quelque démarche, ou ne hasarde des paroles qui pourraient devenir fatales pour nous tous. Allez ! »

Antoine fut bientôt au palais des Quatre-Fontaines, chez la princesse de Rossano, où s’était retirée dona Olimpia depuis son départ du Quirinal. Il y trouva ces deux dames, qui s’entretenaient des affaires du conclave avec les princes Camille Pamphile, Justiniani et Ludovisi. Les trois beaux-frères et la jeune princesse plaidaient précisément auprès de leur mère la cause que le cardinal Antoine se proposait de développer et de défendre. Justiniani, qui, indépendamment de la légèreté de son caractère, avait l’esprit de contradiction, enchérissait sur tous les autres et ne tarissait pas en faisant l’éloge de Fabio Chigi à dona Olimpia, qui en était