Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/410

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testables de Chigi le même langage que la faction espagnole qui le porte ; mais dans ses bulletins journaliers, notre parti inscrira invariablement le nom de Sachetti. Le nombre des voix que réunit chacun de ces deux concurrents est à peu près égal, comme vous savez ; or si ce calcul est juste, nous arriverons facilement à nous rendre maîtres de la majorité voulue, dont nous disposerons en faveur de qui bon nous semblera. — Mais, interrompit Antoine, est-ce que vous êtes décidé à renoncer de gaieté de cœur aux chances qui pourraient vous devenir particulièrement favorables ? — Corrigez-vous donc, mon frère, répondit François, de la maladie des illusions. Mon élection n’est pas possible. Pouvez-vous croire que le sacré collège, qui ne voit déjà pas d’un très-bon œil trois cardinaux de notre nom dans son sein, soit disposé à en faire un pontife ? Cela ne serait ni raisonnable ni juste. Envisageons les choses de sang-froid et telles qu’elles sont. Les reproches que l’on a faits à l’administration du gouvernement de notre oncle Urbain sont un héritage qui pèse encore sur nous. C’est à la faveur d’Innocent X, c’est aux soins de la princesse de Saint-Martin, devenue notre alliée, que nous devons d’être rentrés dans nos charges et dans nos biens ; mais vous le savez comme moi : les biens des familles Barberine et Pamphile ne sont pas encore assez solidement rétablis pour que le premier pontife qui viendra ne les ruine pas, si c’est sa fantaisie. Or, je ne suis plus d’âge à me leurrer d’une fausse espérance. La tiare ne peut pas nous échoir, mon frère ; il faut se rabattre sur quelque chose de plus positif. Voici, continua-t-il en montrant un papier à son frère, une lettre que je me propose d’envoyer au roi d’Espagne. J’ai vu hier son ambassadeur, et je n’ai eu qu’à me louer de la manière dont j’ai été reçu par M. le duc de Terra-Nova. Vous n’ignorez pas que jusqu’ici nous avons fait de vains efforts auprès de sa majesté catholique pour en obtenir la restitution des bénéfices et des biens que nous possédons en Espagne, et qui nous ont été confisqués lorsque Innocent X agissait contre nous de la même manière en Italie. J’ai pensé que c’était le moment opportun de renouveler nos requêtes. Le conclave ouvre après-demain ; je vais faire tenir cette