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chose a-t-elle pu arriver ? » demandaient également ceux qui avaient donné ou refusé leur suffrage à François Barberin. On interrogeait les conclavistes de ce cardinal, on cherchait à tirer d’eux quelques mots de vanité qui expliquassent le succès inattendu de leur maître. Barberin reçut plus de visites que tout autre. Les uns le flattaient, non sans laisser échapper quelques mots d’ironie ; d’autres, toujours disposés à s’accommoder de celui entre les mains de qui peut tomber le pouvoir, venaient au moins faire acte de présence en cette occasion. La vérité est que François Barberin eut à ce moment tout autant de chance que Sachetti, et beaucoup plus que Chigi, qui n’en avait réellement pas encore.

À nous, messieurs de l’escadron volant, dit le cardinal de Retz à Azzolini, à Albizzi, à Omodei, Lomellino et aux autres de sa faction qui s’étaient réunis dans sa cellule. Est-ce qu’il y a quelque chose de changé dans votre résolution de porter Chigi, mes frères ? et quelqu’un d’entre vous a-t-il donné sa voix à Barberin ? Nous laissons la conscience de chacun libre ; mais nous désirons savoir sur qui compter. — Rien n’est changé, monsieur de Retz, dit Azzolini avec le sourire sur les lèvres ; rien n’est changé, n’est-il pas vrai, messieurs ? ajouta-t-il en promenant son regard sur les cardinaux, au milieu desquels il se trouvait. Non, rien n’est changé ; et si ce n’était un péché, je gagerais que la plaisanterie des trente-un suffrages ne se renouvellera pas. N’oubliez pas que le cardinal François peut au besoin disposer de vingt voix dans sa propre faction ; or, si vous joignez à cette circonstance celle du peu d’ensemble qui règne dans le choix des factions française et espagnole, rien n’est si facile que d’expliquer cet accident. Lorsque les joueurs s’ennuient de ne pas gagner, ils brouillent les cartes, afin de changer la fortune. Tout le monde s’ennuie à mourir dans ce conclave. Écrire soir et matin les mêmes noms, faire le dépouillement des scrutins, et trouver toujours trente-deux ou trente-trois voix pour le cardinal Sachetti, c’est à en tomber malade. — Que n’allez-vous voir le cardinal Chigi dans sa cellule, monsieur de Retz ? demanda Lomellino avec son calme accoutumé. Il faut s’aider soi-même si l’on veut que Dieu nous aide ; faites-lui