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quelque ouverture, dites-lui que nous sommes pour lui, et recommandez à ses conclavistes de mettre un peu plus d’activité et même d’adresse à faire valoir les espérances de leur patron. — Ne faites pas cela, dit Albizzi ; je connais Chigi, il s’en offenserait. Mais M. de Retz, qui est placé auprès de lui au scrutin, a toute occasion de l’entretenir, d’autant mieux que Chigi paraît avoir un faible pour lui. »

Lomellino, qui avait peu de confiance dans le cardinal Albizzi, ne dit rien, et sortit quelques instants après de la cellule de Retz pour aller dans celle de Chigi. Celui-ci y demeurait presque toujours seul ; tandis que ses confrères se promenaient en faisant la conversation, lui récitait ses prières à l’écart, ou se livrait à quelque lecture sérieuse pour toute récréation. Pendant la durée du conclave, ou ne le vit pas une seule fois s’approcher des fenêtres pour prendre l’air, et ce n’était pas sans peine qu’on obtenait de lui qu’il ouvrît sa cellule quand on frappait pour y entrer. Depuis l’agitation que causaient les trente-un suffrages donnés à Barberin, il s’enfermait plus rigoureusement, et il ne fallut rien moins que la voix de Lomellino, auquel il portait une amitié respectueuse, pour qu’il lui ouvrît sa porte. Lomellino, avec la sincérité d’un homme plein de piété, ne prit aucun détour pour lui exposer l’objet de sa démarche. Il lui fit observer que ces éternels ballottages qui prolongeaient inutilement la durée du conclave, prouvaient qu’aucun des sujets proposés ne remplissait réellement les vœux du sacré collège ; qu’il était temps que ces hésitations fâcheuses eussent un terme, et qu’il ne doutait pas que si le cardinal Chigi permettait à ses nombreux amis de faire valoir ses justes prétentions à gouverner l’Église, les travaux du conclave seraient promptement terminés.

Pendant que Lomellino parlait, Chigi avait tenu les mains jointes et les yeux baissés. Sans changer d’attitude : « Mon frère, répondit-il, la confiance que j’ai en vous me fait un devoir d’écouter avec respect des paroles dont je me serais peut-être trouvé offensé si elles fussent sorti de la bouche de tout autre. Je crains, mon frère, que vous ne vous fassiez illusion sur le mérite que vous me supposez ; avant de me