Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/423

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biens et le rang qu’ils possèdent ? Non, monsieur le cardinal ; loin de là, nous vous en estimerions davantage, s’il était possible. Si j’étais dans le même cas que vous, continua Azzolini après ce préambule, j’irais voir M. Chigi ; je lui parlerais amicalement, franchement ; je lui toucherais quelques mots des craintes mal fondées, sans doute, de mes oncles François et Antoine ; je lui dirais que mes oncles, loin de s’opposer à l’élection de M. Chigi, sont au contraire très-portés à la déterminer — Ah ! monsieur Azzolini, croyez-vous que je pourrais tenir un pareil langage sans offenser la vérité ? demanda Charles Barberin en souriant avec une expression de honte. — Mais, mon cher cardinal, dit Azzolini en prenant les deux mains de Charles, il est bon de ne pas se mêler d’intrigues ; mais au moins faut-il être au courant des affaires. Si, au lieu de rester seul dans votre coin, vous aviez conféré quelquefois avec messieurs vos oncles, vous sauriez que s’ils ont franchement essayé de porter M. Sachetti, au fond leur désir a toujours été de voir parvenir le cardinal Chigi, et que du moment que celui-ci paraîtra avoir des chances raisonnables, ils abandonneront l’autre. — Est-il possible ? — Je vous en réponds. »

Cet entretien produisit beaucoup d’effet sur Charles Barberin, qui ne se sentit plus si éloigné de faire une démarche auprès de Chigi. Azzolini, de son côté, et sans perdre de temps, alla prévenir les cardinaux François et Antoine de la conférence qu’il venait d’avoir avec leur neveu, les engageant à lui parler, à le flatter, et surtout à le presser de voir le cardinal Chigi.

Malgré la rigueur apparente que l’on met à interdire aux membres du conclave toute communication avec le dehors, outre une foule de petits subterfuges, au moyen desquels les cardinaux et leurs conclavistes entretiennent jusqu’à des correspondances écrites avec les personnes de la ville, chaque faction a encore la ressource de communiquer avec l’ambassadeur de la nation dont elle prend les intérêts. Celui d’Espagne, M. le duc de Terra-Nova, étant venu au Vatican pour s’entendre avec les trois cardinaux qui, pendant la vacance du saint-siége, gouvernent pour le pape, usant du