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ceux qui lui étaient dévoués avant le conclave, elle ne vit revenir près d’elle que les Barberins et Azzolini. Tous lui tinvent à peu prés le même langage, lui conseillant de se tenir à l’écart, et de laisser aux princes de sa famille et à madame de Rossano, qui étaient déjà dans les bonnes grâces du nouveau pontife, le soin de veiller aux intérêts de toute sa maison. Mais au lieu de se rendre à ces sages conseils, dona Olimpia, comme toutes les personnes déchues, se laissa aller à son humeur et à la colère. Peut-être se fût-elle encore rendue aux raisons d’Azzolini et des Barberins, si elle n’eût eu à céder en cette occasion qu’à son fils et à ses gendres ; mais l’idée de voir sa belle-fille, la princesse de Rossano, accueillie par le pape, et d’être protégée par elle, la révolta. Devenant toujours plus inaccessible aux observations des trois cardinaux, elle se laissa aller à de tels emportements, qu’elle finit par leur dire « qu’ils la trahissaient, et qu’enfin elle aimerait mieux perdre jusqu’au dernier sequin, plutôt que de devoir la conservation de ses biens à la princesse de Rossano. »

On jugea à propos de la laisser seule, espérant que la réflexion la ferait revenir à des idées plus raisonnables. Mais il n’en fut pas ainsi. Le lendemain de cet entretien, elle commanda l’un de ses équipages de gala, et après avoir cherché dans ses trésors ce qu’elle pourrait trouver de plus précieux par la matière et le travail, elle choisit deux vases d’or qu’elle fit placer dans sa voiture. Entourée d’un nombreux domestique, elle se fit conduire au palais pontifical, et s’avançant bientôt avec une assurance qui en imposa à tous ceux qui se trouvaient dans les pièces qui précèdent celle où se tenait le pape, elle chargea le majordome et le maître de cérémonies de l’annoncer, et se tint fièrement en attente, ayant à chacun de ses côtés un des gentilshommes chargé des vases qu’elle venait offrir à sa sainteté.

Quoique le temps n’ait pas fait passer, tant s’en faut, l’usage d’offrir des dons à ceux que l’on espère se rendre favorable, il l’a singulièrement modifié ; et il y aurait quelque chose de grossier et de brutal aujourd’hui à venir, ainsi que dona Olimpia, présenter, même à un subalterne, le prix de