Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/430

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ment observer à sa sainteté, répondit l’artisan, que je l’ai brodée précisément comme feu son prédécesseur m’ordonnait de le faire ; l’or n’est pas fin. — C’est un tort, Lazzagna, dit le pape ; tout ce qui touche le serviteur des serviteurs de Dieu doit être pur ; et si l’usage ne s’y opposait, je voudrais que ces croix fussent en diamant, parce que le diamant est plus pur que l’or. Entendez-vous, Lazzagna ? — Oui, très-saint père. — De même, ajouta Alexandre en mettant son pied sur la bière placée près du lit, afin de montrer les défauts de sa mule, celui qui travaille aux vêtements du successeur de saint Pierre ne doit rien négliger pour les rendre parfaits. Voyez : cette couture est lâche, la coupe de la chaussure n’est pas assez échancrée par ici, et le pied n’est pas suffisamment maintenu. Il faut recommencer tout cela, Lazzagna ! — Comme il plaira à sa sainteté ; mais... — Eh bien, quoi ? — Le saint-père voudra bien prévenir son camérier pour qu’il s’entende avec moi... — Sur le prix, sans doute ? Combien vous payait-on ces mules ? — Dix écus romains, saint-père. — On vous en donnera cinquante si elles sont telles que je le désire. »

Cet entretien finissait quand le cardinal Rospigliosi, secrétaire d’état depuis l’avénement d’Alexandre, entra d’un air préoccupé, et adressa quelques mots à l’oreille du pape pour l’avertir que dona Olimpia était dans l’antichambre, se proposant d’offrir des présents à sa sainteté, et attendant la faveur de lui faire ses révérences. Sans s’émouvoir, Alexandre fit remettre sa chaussure en ordre par Lazzagna, et pria Rospigliosi de demander le maître des cérémonies. « Faites entrer, dit-il à celui-ci, l’officier qui accompagne la princesse de Saint-Martin. » Et comme Lazzagna, par respect, cherchait à sortir de la chambre : « Demeurez, lui dit le pape ; j’ai encore quelques mots à vous dire. »

On introduisit alors l’officier de dona Olimpia, qui entra suivi de deux pages portant chacun l’un des vases d’or destinés à sa sainteté. Le messager s’acquitta de sa commission en offrant les dons de la part de la princesse de Saint-Martin, qui en outre demandait la permission de baiser les pieds de sa sainteté.