Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/431

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« Dites à madame la princesse, répondit Alexandre d’une voix ferme, mais très-calme, que je ne reçois pas ses dons ; que sous mon règne, les femmes n’obtiendront des audiences que pour les affaires les plus importantes, et quand leur présence prendra l’importance d’un témoignage ; allez. » Comme l’officier et les pages hésitaient : « Sortez ! » ajouta le pape avec un léger mouvement d’impatience.

Lazzagna partageait la haine que tout le peuple de Rome portait à dona Olimpia ; aussi éprouva-t-il une satisfaction qu’il ne contint qu’avec peine, en entendant le nouveau pape refuser l’entrée de son palais à cette femme superbe. La joie et l’enthousiasme étaient peints dans son regard lorsque Alexandre le rappela vers lui. « Je voulais, mon cher Lazzagna, ajouta le saint-père, qui feignit de ne pas s’apercevoir que des larmes d’admiration s’échappaient des yeux de l’artisan, je voulais vous recommander de nous servir promptement. Les cérémonies de la prise de possession à Saint-Jean de Latran ont lieu dans quelques jours, ainsi je compte sur votre diligence. » Il ne fallut rien moins que le respect dû au pontife pour que Lazzagna gardât le silence, tant ce qu’il venait de voir et d’entendre l’avait émerveillé. Il se jeta à genoux, et sans oser se permettre de toucher le pied d’Alexandre, il baisa la terre à quelque distance, reçut la bénédiction du pape et se retira.

Comme l’avait sans doute prévu le pontife, le témoignage de Lazzagna, présent au refus brusque donné à dona Olimpia, ne fut pas stérile. L’artisan n’eut rien de plus pressé que d’en raconter les détails à ses voisins, et en moins d’une heure toute la ville de Rome fut instruite de l’incroyable témérité de la princesse de Saint-Martin, et de la sévérité dont le pape avait usé envers elle. « Voilà un pape ! disait l’un ; il nous débarrassera enfin de cette sangsue ! — Non-seulement il ne veut pas d’elle, reprenait un autre, mais il ne veut favoriser aucun de ses parents. — Il l’a juré à son couronnement, faisait observer un troisième. — Il a fait mieux encore, reprit un abbé qui écoutait, car il n’a pas permis qu’ils vinssent à Rome. — En vérité ? — Rien n’est plus certain. Son frère aîné, Mario, qui arrivait en toute hâte de Sienne,