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habitants de Rome la confiance en son gouvernement, que le projet de quelques criminels furieux avait failli leur faire perdre.

On s’explique facilement qu’au milieu de calamités et de désordres de cette espèce, l’instruction du procès de dona Olimpia fut interrompue, oubliée même, comme toutes les affaires de ce genre. Lorsque la contagion commença à faire moins de ravage, et que les esprits purent reprendre quelque liberté, les deux souvenirs qui restèrent gravés dans la mémoire des Romains furent la faiblesse du pape et le courage héroïque qu’avait montré la princesse de Rossano. De toutes les grandes dames, c’était la seule qui n’eût pas quitté Rome ; car la reine Christine elle-même, après la conjuration de Velli, en était sortie pour passer en France. Aussi l’épouse de dom Camille était-elle devenue l’idole des Romains.

Cependant la peste étendait ses ravages sur bien d’autres lieux, et Viterbe fut un de ceux qui eut le plus à en souffrir. Dona Olimpia, reléguée dans cette ville, n’osait enfreindre les ordres du pape en en sortant sans permission. Épouvantée cependant par les progrès de la maladie, elle envoya un exprès à Alexandre pour lui demander la faveur d’habiter son château de Saint-Martin, situé dans la campagne, à quelque distance de Viterbe. Le pape, qui avait encore plus peur qu’elle en ce moment, fit droit à la requête, sans savoir même ce qu’on lui demandait, et la princesse s’enfuit en toute hâte dans un lieu où elle se flattait, mais bien vainement, de se soustraire à l’influence d’un air qui régnait dans toute l’Italie en ce moment. Son domestique avait déjà été fort diminué à Viterbe par la maladie, et ce ne fut pas sans peine qu’elle put rassembler suffisamment de serviteurs pour la suivre à sa nouvelle habitation. Mais elle ne tarda pas à se repentir du parti qu’elle avait pris, car il sembla que la peste s’acharnait avec une fureur particulière au château de Saint-Martin. Les chevaux furent frappés les premiers ; aussi après quelques jours, tout moyen de transport étant devenu impossible, on ne put plus renouveler les provisions, en sorte que les habitants du château de Saint-Martin furent tout à la fois exposés à la maladie et à la famine. La terreur