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s’empara de tous les gens de service. Femmes et hommes, ceux d’entre eux au moins qui n’étaient point encore atteints du mal, s’évadèrent durant la nuit, en profitant du désordre qui régnait pour dérober quelque objet précieux qui leur tînt au moins lieu de leurs gages. Il ne restait plus au château que quatre personnes, dona Olimpia et deux servantes, toutes trois déjà malades, puis un valet d’écurie, qui jusque-là ayant échappé à toute influence morbide, faisait à lui seul le service de la maison. Un soir, après avoir barricadé soigneusement les portes d’entrée et s’être mis au lit, il fut pris avec tant de violence par la maladie, qu’il ne se releva plus, et mourut le jour suivant, dans un corps de logis assez éloigné du palais. Douze heures après, les deux servantes éprouvèrent le même sort, tellement que dona Olimpia, déjà malade, alitée, enfermée seule dans sa chambre, survécut à toute sa maison.

Dieu seul a pu savoir les tortures que cette femme éprouva, lorsque criant en vain dans son palais pour être assistée, elle vit s’approcher la mort, sans avoir pour soutien et consolation ni les secours spirituels, ni la main d’un parent, pas même celle d’un serviteur.

Partout alors chacun était tellement préoccupé du soin de sa conservation personnelle, que le bruit de cet accident ne parvint à Rome qu’un mois après. Dom Camille, dès qu’il l’apprit, vint en toute hâte à Saint-Martin pour rendre les derniers honneurs à sa mère. On fut obligé d’enfoncer les portes du palais, qui étaient resté barricadées, et l’on prit toutes les précautions sanitaires pour pénétrer dans cette demeure de mort. Le prince, qui depuis plusieurs mois remplissait à Rome les fonctions de commissaire de santé, avec le prélat Rasponi, dirigea tous les détails de cette opération dangereuse. On alluma de grands feux dans les cours, dans les péristyles et jusque dans les appartements, à mesure que l’on y pénétrait. Tous les objets inutiles, ou dont on avait lieu de redouter le contact, furent brûlés, et l’on redoubla de précautions en entrant dans la chambre de dona Olimpia. Son corps, déjà défiguré par la putréfaction, était gisant à terre ; et à juger par l’attitude qu’il avait conservée, on pou-