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temps du séjour de cette princesse à Rome, comme elle était venue à Saint-Louis des Français pour entendre la messe, elle hésita au moment de descendre de carrosse, tant le pavé était sale et humide ; et l’on ajoute qu’Azzolini voyant l’embarras de la reine, détacha aussitôt son manteau, qu’il étendit sur le pavé pour que la princesse pût marcher à pied sec. Cette galanterie, renouvelée de celle que sir Raleigh fit à Élisabeth d’Angleterre, devint, assure-t-on, l’origine de la longue faveur dont Azzolini jouit auprès de Christine. Avec des goûts aussi variés que ceux de cette femme singulière, Azzolini était sans contredit l’homme le plus propre à les satisfaire. Versé dans la connaissance du droit divin et humain, orateur, poète, érudit, antiquaire, homme du monde et fort agréable de sa personne, Decio Azzolini devint pour la reine, comme elle le dit dans une de ses lettres : « Le plus grand homme et le plus grand cardinal du monde. » Ce qui est certain, c’est que son amitié pour lui ne se démentit jamais, et que dans son testament qu’elle fit à Rome en date du 1er mars 1689, on y trouve cette clause : « Nous instituons pour notre héritier universel le cardinal Decio Azzolini, à qui nous devons ce témoignage d’affection, d’estime et de gratitude, en raison de ses incomparables qualités, de l’excellence de ses talents et des droits qu’il s’est acquis à notre amitié pendant tant d’années. »

Parmi les hommes qui ont fait beaucoup de bruit et dont on ne se souvient plus, Azzolini est peut-être celui qui a joui de son vivant de la célébrité la plus éclatante. Il fut successivement le courtisan chéri de cinq papes : Innocent X, Alexandre VII, Clément IX, Clément X et Innocent XI. Après trente ans de cardinalat, il mourut dans sa soixantième année, comblé d’honneurs, de richesses, et environné d’une auréole de gloire, sur l’éclat et la durée de laquelle ses contemporains ainsi que lui se sont fait bien des illusions. Le mot de dona Olimpia sur lui : « C’est un aigle, » avait fait fortune, et les admirateurs d’Azzolini, non contents de toutes les louanges verbales qu’ils lui prodiguaient, lui décernèrent encore deux médailles. Sur l’une on lit ces mots : « Expertus fidelem, » et sur l’autre, qui porte d’un côté son