Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/454

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Ce fut lui qui, de concert avec le prince Pamphile et la princesse de Rossano, maintint l’ordre dans la ville et arrêta les progrès du mal. Aucune fatigue ne put le vaincre, aucun danger ne l’arrêta ; aussi lorsque la contagion cessa, fut-il du petit nombre de ceux que le peuple bénit. Quelque temps après, lors de la fâcheuse affaire de la garde corse qui insulta l’ambassadeur de France, et quand les relations entre Alexandre VII et Louis XIV étaient devenues si difficiles, Rasponi fut un de ceux qui s’employèrent avec le plus de zèle pour apaiser ce différend. Deux fois il fut envoyé en France ; et en dernier lieu, en sa qualité de plénipotentiaire pontifical, il régla toutes les contestations qui s’étaient élevées entre le pape et le monarque français.

En voyant figurer dans le même temps et pendant les mêmes règnes Cecchini et Rasponi, dont les instincts étaient si contraires, on ne peut s’empêcher de méditer profondément sur la destinée de ces deux hommes, dont l’un, sincèrement honnête, servit cependant d’égide aux gens les plus vicieux, tandis que l’autre, perdu d’abord dans l’opinion publique, finit par se rendre utile à son souverain et même à son pays. La faiblesse gâte les plus belles qualités ; l’énergie rachète bien des défauts.

Le lecteur a pu apprécier ce qu’il y avait de fort et de faible dans la conduite du cardinal Decio Azzolini ; ce fut l’homme parfait pour son siècle et son pays. Très-intelligent, spirituel et instruit, gracieux dans ses manières, modéré jusque dans ses vices, qu’il sut toujours couvrir sous un voile d’élégance, Azzolini fut prêtre fort médiocre, politique très-délié, poète et érudit amusant, et l’un des courtisans les plus naturellement habiles que l’Europe moderne ait produits.

Alexandre VII, qui n’oublia jamais ce que ce cardinal avait fait pour lui en conclave, ne cessa pas de lui donner des témoignages de sa reconnaissance ; il le combla de toutes les faveurs qui s’accordaient avec sa dignité. Au surplus, ce ne fut pas le seul souverain dont Azzolini eut à se louer, car outre plusieurs autres pontifes auprès desquels il fut en faveur, il devint le courtisan, le favori et enfin l’héritier de la reine Christine de Suède. On rapporte que dans les premiers