Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/463

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parlement et le peuple ne veulent pas. On a eu bien tort de condescendre à un tel accommodement. On était les plus forts, ajouta le Poussin avec un accent qui trahissait la colère ; mais la cour s’est laissé piper !... Aussi, dit enfin l’artiste avec douleur et indignation, les Français sont-ils l’objet de la moquerie de tout le monde ici ; on ne craint pas de nous mettre en parallèle avec les Napolitains, que nous avons surpassés en turbulence et en légèreté. »

Après cette sortie, sur laquelle M. de Beauvoir ne fit aucun commentaire, le Poussin reprit tout bas la lecture de la lettre. Mais après quelques lignes, l’artiste, s’arrêtant de nouveau en laissant échapper un sourire ironique, dit à M. de Beauvoir : « Monsieur de Chantelou me presse d’achever ses deux tableaux et de commencer celui de la Manne dans le désert ; hélas ! mon Dieu, la toile est commandée, et j’y aurais déjà mis la main, si ce n’eût été toutes les mauvaises nouvelles que nous avons reçues de Paris et qu’il me confirme lui-même. Vraiment ! j’avais bien cœur à la peinture, quand tous les mauvais Français qui sont ici, et il y en a bon nombre, monsieur de Beauvoir, quand de tels gens, dis-je, mettaient déjà Paris à sac, et que nos ennemis italiens, espagnols et allemands, se vantaient ouvertement que bientôt la ruine totale de cette ville superbe servirait à jamais d’exemple aux autres. Faire des tableaux ? Devais-je croire qu’en pareilles circonstances on pensait encore dans Paris à orner les maisons et les hôtels de peintures nouvelles ?... Enfin, ajouta le Poussin, puisqu’on s’occupe encore de cela dans cette ville, monsieur de Chantelou sera satisfait, et je vais commencer le tableau de la Manne. » Il allait continuer de lire la lettre, lorsque, se tournant tout à coup vers M. de Beauvoir, il lui demanda : « Mais vous, monsieur, qui avez vu Paris pendant ces troubles, comment se fait-il que l’on s’occupe encore d’autres choses ? — Je n’y étais pas au fort de la guerre, répondit le gentilhomme avec calme. Mon père et moi n’y sommes arrivés qu’après la rentrée de leurs majestés le roi et la régente. Alors tout était calme ; j’ai même ouï dire que, pendant le blocus de Paris et le jour du combat de Charenton où monsieur de Chatillon