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fut tué, tout se passait comme à l’ordinaire dans la plupart des quartiers de la capitale. — Enfin, dit le Poussin en jetant un regard vers le ciel, c’est une singulière nation que la France, et bien lui en prend de ce que Dieu la protège de temps à autres ! »

Le reste de la lettre fut lu avec plus de calme, vraisemblablement parce qu’il n’y était plus question des affaires de France, sujet à propos duquel l’imagination du Poussin s’échauffait très-facilement. Après avoir pris connaissance du paragraphe relatif à M. de Beauvoir, l’artiste crut convenable d’en donner connaissance à celui qu’il concernait ; il cita donc ce passage : « Le jeune gentilhomme qui vous remettra cette lettre est le fils de M. de Beauvoir, retiré dans ses terres en Poitou, après avoir fait honorablement la guerre sous les rois Henri IV et Louis XIII de glorieuse mémoire. Son éminence le cardinal Mazarin l’a envoyé près de monsieur l’ambassadeur de France à Rome pour qu’il soit employé d’une manière convenable à sa naissance et à son mérite. Toutefois j’attends de votre bonne et ancienne amitié de vouloir accueillir ce jeune homme, à qui sa modestie naturelle et le défaut d’expérience pourraient attirer quelques contrariétés dans un pays où tout doit être nouveau pour lui. C’est un homme dont l’âme est noble et généreuse, c’est à ce titre que je le recommande particulièrement à vos bons soins. »

Quoique au fond cette première visite eût été presque entièrement remplie par des politesses réciproques, cependant ces deux hommes se sentirent très-favorablement disposés l’un envers l’autre, et M. de Beauvoir ne manqua pas de profiter de l’invitation que lui fit cordialement le Poussin de venir à son atelier à certaines heures qu’il lui indiqua.

Le jeune homme éprouvait pour son hôte un sentiment de respect et d’affection tout involontaire, et, de son côté, le Poussin, sitôt qu’il avait vu M. de Beauvoir, n’avait pu se défendre de l’aimer et de lui porter le plus vif intérêt. Habitué par l’exercice de son art à deviner en quelque sorte l’âme sur les traits du visage, le peintre avait été frappé de la pureté de celle du jeune Poitevin, et il ne tarda pas à