Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette ville n’est pas grand ; cependant je compte quelques protecteurs. Les cardinaux François et Antoine Barberin ne me refuseront pas assistance ; et si vous préférez avoir recours à notre ambassadeur, malgré le peu d’habitude que j’ai de fréquenter son palais, j’irai le voir, je lui parlerai, je lui dirai ce que vous désirez..... Mais, ajouta le Poussin, avec l’expression d’une curiosité inquiète, que demandez-vous ? »

Il n’y avait qu’un seul point de contact entre l’artiste et son jeune compatriote : c’était la passion de l’honnête, c’était cette fleur d’intégrité, cette horreur pour le vice qui unit si étroitement l’âme de ceux dont les esprits d’ailleurs diffèrent le plus entre eux. Les inclinations, les goûts, les habitudes de ces deux hommes étaient absolument contraires ; aussi, malgré le besoin qu’avait l’un de recevoir des conseils, et le désir de l’autre d’en donner, tous deux virent-ils le reste de leur entrevue employé à se donner réciproquement des témoignages de dévouement et de reconnaissance sans rien décider.

Le Poussin resta plusieurs jours sans entendre parler de M. de Beauvoir, lorsqu’il fut averti un matin par ses amis, le chevalier del Pozzo et Bellori, que le gentilhomme français, après s’être encore pris de dispute avec quelques-uns de ses compatriotes, en avait blessé un, s’était soustrait aux poursuites que le pape avait ordonnées contre lui, et avait trouvé moyen de s’esquiver de Rome sans que l’on sût ce qu’il était devenu. On supposa d’abord, et l’on sut même ensuite, que l’ambassadeur de France, pour assoupir cette affaire et soustraire un sujet du roi aux poursuites du gouvernement romain, avait hâté et facilité la fuite du jeune de Beauvoir. À la faveur d’un déguisement, il s’était dirigé vers Civita-Yecchia, où un patron de navire, celui même qui se chargeait ordinairement de transporter les tableaux du Poussin en France, s’empressa de le recevoir à son bord. Par un hasard singulier, ou qui parut tel au moins à M. de Beauvoir, un jeune officier français se trouva sur le bâtiment avec l’intention de relâcher à Piombino, puis de se rendre ensuite à Porto-Longono pour se réunir à la garnison