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française, menacée dans cette ville d’une expédition que le comte d’Ognates, à la tête des Espagnols et d’un corps de Napolitains, devait entreprendre prochainement. L’officier, M. le marquis de Vézelai, venait lui-même de Naples, où il avait eu connaissance de ce projet ; et après s’être arrêté quelques jours à Rome pour en instruire l’ambassadeur de France, il se proposait de donner l’éveil aux troupes françaises de l’île d’Elbe, et de se rendre enfin à Porto-Longone auprès de M. de Noailles, qui commandait cette dernière place au nom du roi de France.

De Beauvoir, qui semblait toujours destiné à voyager sous la tutelle de gens dont il ne connaissait jamais les intentions, ne se douta même pas que le marquis de Vézelai ne l’avait pas perdu de vue depuis sa sortie de Rome, et que c’était d’après les ordres de l’ambassadeur que sa fuite avait été concertée. Il donna dans toutes les embûches, fort bienveillantes d’ailleurs, qui lui furent tendues, et eut les inquiétudes et les joies que peut faire éprouver une évasion difficile.

Les deux jeunes voyageurs firent promptement connaissance. Les manières ouvertes, les habitudes militaires du marquis, inspirèrent une telle confiance à M. de Beauvoir, qu’il devint aussi ouvert et aussi parleur alors qu’il l’avait été peu jusque-là. À peine en mer, M. de Vézelai se mit à discourir sur les affaires de France et sur la guerre avec l’Espagne, faisant ressortir les chances favorables que les expéditions extérieures présentaient à ceux qui, désireux de prendre le parti des armes, n’avaient aucun goût pour se faire tuer au pont de Charenton ou dans les rues de Paris. On but du vin d’Orvietto et de Montefiascone, on fit bonne chère ; et l’on était à peine en vue de l’île d’Elbe, que déjà notre jeune Poitevin, toujours incertain de son avenir en France, et séduit d’ailleurs par les raisonnements de M. de Vézelai, s’était décidé à le suivre à Porto-Longone, et sous ses auspices à offrir ses services au commandant de cette place.

La garnison était déjà assez diminuée pour que tous ceux qui venaient s’y joindre fussent bien reçus ; mais le nom de M. de Beauvoir, la bonne grâce avec laquelle il se présenta,