Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/487

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qui intéresse ma fille ; car c’est d’elle que je dois vous parler. Cette enfant, vous disais-je, m’a montré et me témoigne encore la confiance la plus complète. J’ai donc mis toute mon attention, comme je le fais encore, à la maintenir dans cette disposition. Nous vivons habituellement ici dans cette terre ; nous n’y recevons précisément que les personnes qu’il entre dans nos vues d’admettre à notre intimité, et pendant les trois ou quatre mois d’hiver que nous passons à Paris, nous y transportons nos habitudes de retraite et de solitude. Jusqu’ici ce genre de vie n’a donné à ma fille aucun désir d’en connaître d’autre ; son caractère est si pur, son âme est si enfantine, ses goûts si simples, elle est si habituellement heureuse de la tendresse de ses parents, que son cœur est pleinement satisfait. Mais, je dois vous l’avouer, ce genre de bonheur m’inquiète pour elle ; il est impossible qu’il puisse durer ; et cependant il se prolonge au delà de la limite que trace ordinairement l’âge auquel ma fille est parvenue.

— Mais en vérité, madame, interrompit Edmond, je serais tenté de vous accuser d’être tant soit peu romanesque dans vos prévoyances maternelles. Je prends la liberté de vous le répéter : vous exagérez toutes vos appréhensions.

Ces paroles étaient à peine prononcées, qu’aux éclats de rire poussés par les joueuses de volant céda tout à coup un cri douloureux.

— Mademoiselle Louise est blessée ! s’écria aussitôt Edmond en se levant avec vivacité pour s’élancer vers le balcon.

— Permettez, dit madame de Soulanges en appuyant légèrement sur le bras du jeune homme pour l’arrêter et le faire rasseoir ; laissez-moi voir ce qui est arrivé. Elle s’avança vers la fenêtre. Les trois compagnes de Louise l’entouraient au moment où la femme de chambre accourait aux cris de sa jeune maîtresse.

— Ce n’est rien, ce n’est rien, maman, dit Louise, sitôt qu’elle aperçut sa mère ; c’est par ma faute et ma précipitation que j’ai été chercher la raquette de Joséphine. Ne prenez aucune inquiétude, maman, je vous en prie, ce n’est rien.

Le sang avait jailli avec assez d’abondance des narines de