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arrangements que vous, M. de Soulanges et moi, nous venons de prendre pour l’avenir.

À ces mots, M. de Lébis fit faire machinalement à son siège un léger mouvement pour se rapprocher de la comtesse, qu’il regardait attentivement.

— Ma fille, ajouta-t-elle en tenant ses yeux fixés sur l’extrémité de sa ceinture, qu’elle roulait entre ses doigts, a montré, dès sa plus tendre enfance, une franchise extrême et une confiance aveugle en moi. Je ne saurais vous dire combien cette disposition, si rare chez les jeunes filles, a augmenté la tendresse que j’ai toujours eue pour elle. Ma sollicitude maternelle s’en est accrue, et je me suis efforcée de tenir mon âme constamment ouverte pour conserver cette précieuse disposition dans le cœur de mon enfant jusqu’à l’âge où, la franchise devenant quelquefois muette, d’abord suspend, puis altère, et fait enfin mourir la confiance...

— Ah ! madame, il me semble que c’est bien à tort que vous vous créez des inquiétudes tellement imaginaires...

— Que voulez-vous, monsieur ! nous autres mères, nous ne vivons qu’entre les craintes et l’espoir ; nous n’avons qu’une pensée : l’avenir de nos enfants. On peut compter, sans doute, sur la durée de leur affection ; mais, malgré nous, nous redoutons toujours un peu ce qui fera déplacer leur confiance... Vous ne m’en voulez pas, monsieur de Lébis, de ce que je vous dis là ? ajouta la comtesse en lui serrant la main... Je crains d’autant moins de vous exprimer... mes inquiétudes..... Mais vous riez ?..... Allons, je serai franche avec vous : j’ai donc d’autant moins de crainte à vous avouer... mes petites jalousies maternelles, que vous me paraissez posséder toutes les qualités qui me forceront à vous en faire le sacrifice.

Edmond de Lébis ne put s’empêcher de témoigner à madame de Soulanges tout ce que lui faisait éprouver de flatteur et de doux l’expression d’une confiance si délicate.

Après un échange de sourires empreints de la tendresse la plus amicale, la comtesse reprit tout à coup la parole :

— En vérité, dit-elle, c’est bien mal à moi de penser à ce qui me regarde personnellement, au lieu de m’occuper de ce