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ne doute pas de surmonter. Certes, le jeune Edmond n’aurait jamais pu se décider à épouser une incrédule ; mais il était tellement persuadé que chez Louise cette disposition n’était qu’un de ces retards d’intelligence auxquels sont sujettes les personnes les plus spirituelles, qu’il s’applaudit, au contraire, de ce que cette circonstance lui avait fourni l’occasion de gagner la confiance de la mère de celle qu’il aimait. L’illusion, à cet égard, fut réciproque, car madame de Soulanges sentit croître en ce moment la confiance qu’elle mettait déjà dans son gendre futur. Grâce aux espérances que lui exprima Edmond sur ce sujet, elle reprit courage, la sérénité reparut sur sa figure, et, profitant de l’état plus calme où elle se trouvait, elle acheva de faire connaître à Edmond toutes les conventions ou plutôt toutes les précautions qu’elle désirait qu’il observât jusqu’au moment du mariage. Elle lui fit donc, sentir que dans l’état où était sa fille, il était à propos que son jeune cœur ne reçût aucune impression étrangère à celle que ses directeurs religieux lui donnaient ; que quand bien même un sentiment mondain pourrait amollir l’âme de son enfant, et la préparer à recevoir des émotions et des pensées d’un ordre plus élevé, elle la verrait avec peine s’engager dans la vie, comme les femmes ne le font que trop souvent aujourd’hui, en ne parvenant à deviner la religion que par le secours de fantaisies mondaines et romanesques ; qu’elle avait le désir, qu’elle voulait que sa fille devînt et fût franchement religieuse avant même qu’elle pût arrêter sa pensée sur aucun acte de la vie ordinaire ; qu’en conséquence, elle s’en reposait sur lui, M. de Lébis, pour calculer l’opportunité, le nombre et la durée de ses visites dans la maison, afin que rien ne laissât soupçonner à cette jeune fille ni à qui que ce soit, les projets arrêtés entre eux.

Edmond jura de se conformer rigoureusement aux intentions de madame de Soulanges, en la priant même de les lui renouveler toutes les fois que la prudence lui en suggérerait la pensée.

Le reste de la conversation, qui dura encore assez longtemps, roula sur les grâces et les bonnes qualités de Louise. Il était juste que cette aimable personne reparût enfin sous