Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un jour pur et brillant. Madame de Soulanges avait repris le portrait de sa fille, Edmond en soutenait le cadre, et tous deux fixant leurs yeux avec tendresse sur cette peinture, s’empressaient à l’envi d’effacer par les éloges qu’ils prodiguaient au modèle, les tristes appréhensions qui avaient été exprimées quelques instants avant.

Le portrait d’une jeune fille, servant de texte à sa mère et à son amant, peut rendre entre eux la conversation un peu longue ; aussi celle de la comtesse et du jeune de Lébis se serait-elle prolongée encore, si la rentrée de M. de Soulanges dans le cabinet n’en eût interrompu le cours.

Cet honnête gentilhomme était certainement l’être humain le plus paresseux d’esprit qui se puisse imaginer. Il n’était pas sans moyens, et son intelligence l’eût sans doute heureusement servi dans le maniement des affaires de haute importance, si elle eût été susceptible d’une application durable et sérieuse. Mais toute contention d’esprit devenait un supplice pour lui dès l’instant qu’il fallait suivre et élaborer une idée. Bon, généreux, sensible, chez lui l’intention était excellente, et s’il fallait concourir à une bonne action il était toujours disposé à agir, pourvu toutefois que les efforts à faire ne fussent ni trop longs ni trop fréquents ; autrement il aidait, comme on dit, du geste et de la voix, trouvant toujours moyen de faire l’école buissonnière chaque fois que les affaires s’engageaient d’une manière sérieuse.

Il n’ignorait pas ce que sa femme avait à dire à M. de Lébis. Au besoin il eût même pu s’acquitter avec succès de cette communication scabreuse ; mais l’idée de s’occuper pendant une heure ou deux de la même chose le tourmontait, et, outre cela, la confiance entière qu’il avait en madame de Soulanges, dont l’activité et la tenue habituelle favorisaient si agréablement sa paresse, l’avaient mis à l’aise. Aussi les arrangements contentieux à peine terminés avec son gendre futur, il s’était évadé, comme on l’a vu, laissant à la comtesse tout l’embarras d’un aveu et de recommandations auxquels, du reste, il attachait lui-même la plus grande importance.

À peine rentré dans le cabinet, il se mit à regarder tour à