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signe de désapprobation de sa mère en conjurait les suites par une effusion d’excuses pleines de repentir et de tendresse, insensible cette fois, marchait à pas comptés, tenant les bras croisés et la tête penchée vers la terre, sans paraître éprouver aucune émotion de ce qu’elle venait d’entendre.

Vainement madame de Soulanges attendit-elle que Louise reprît son naturel et lui témoignât, avec sa franchise accoutumée, le regret de l’avoir contrariée, elle ne put même obtenir un regard de son enfant, qui continua de marcher du même pas, avec la même attitude, et paraissant toujours plus absorbée dans ses réflexions. Poussée par un dépit mêlé d’inquiétude, madame de Soulanges dit alors comme malgré elle :

— Quand vous voudrez me faire la grâce de me répondre, ma fille, je suis prête à vous écouter.

Mais sitôt qu’elle vit que Louise s’obstinait à garder le silence, elle s’arrêta de deux pas, la laissa passer devant elle, résolue à surveiller son enfant pendant la durée de ce qu’elle regardait comme un de ces caprices inexplicables auxquels les jeunes filles sont parfois sujettes.

Cependant on marchait toujours en se dirigeant vers le château. Il restait à parcourir plusieurs petits détours, bordés d’arbrisseaux dont les branches exubérantes barraient le sentier. Chacun ne manquait pas d’écarter et de soutenir ces rameaux, pour favoriser la marche de la personne qui suivait. Cette attention, sujet assez ordinaire de badinage pour Louise, fut entièrement omise par elle. Il arriva même plusieurs fois, et sans qu’elle témoignât extérieurement la moindre émotion, qu’elle reçut à travers la figure le fouet de ces rameaux dont elle laissait retomber le ressort sur sa mère.

La première fois, madame de Soulanges ouvrit la bouche pour en faire reproche à sa fille. Mais son mécontentement se changea bientôt en une inquiétude excessive, lorsqu’elle eut reconnu que Louise était aussi indifférente pour elle-même que pour les autres. Bien loin de la réprimander alors, elle marcha à son côté, la soutenant d’une main, tandis que de l’autre elle écartait les branches pour lui frayer un passage.

Les mères sont comme les amants, elles passent brusquement de l’humeur à une tendresse extrême ; et dans cette