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était pâle comme la mort, mais montrait cependant un courage extraordinaire. Ce fut lui qui, par signe seulement et en mettant le premier la main à l’œuvre, indiqua le moyen de placer mademoiselle de Soulanges sur la civière sans que personne ne portât la main sur elle. Avec cette énergie et cette précision que les hommes de cœur trouvent toujours dans les occasions difficiles, Edmond et M. Delahire, aidés des deux porteurs, enlevèrent simultanément le tapis avec le corps et le placèrent sur le brancard, avant même que madame de Soulanges eût eu le temps de s’en apercevoir.

Cependant le bruit du malheur arrivé à mademoiselle de Soulanges s’était répandu au dedans et au dehors de l’église. Dans les premiers moments, on doutait bien encore de la gravité de l’accident, mais l’effroi et la douleur s’emparèrent de chacun, dès que l’on vit les petites compagnes de Louise sortir de la sacristie. Toinette et les autres poussant des cris apparurent tout à coup avec leurs vêtements ensanglantés. Ces pauvres enfants, effrayées par le désordre et au milieu de la foule qui les questionnait, ne pouvaient répondre que par des pleurs et des gémissements. Bientôt l’inquiétude s’accrut à la vue du passage rapide de la calèche dans laquelle était le comte presque privé de sa connaissance.

Mais la consternation devint générale, lorsque l’on revit mademoiselle de Soulanges mourante, morte peut-être, et transportée dans un effroyable appareil. Ce qui frappa surtout, était le soin avec lequel madame de Soulanges, aidée du médecin, maintenait l’oreiller sur lequel reposait la tête pâle et inanimée de sa fille.

La présence de M. de Lébis, qui suivait à quelques pas, achevait de rendre ce spectacle tout à fait déchirant. Malgré toutes les précautions qui avaient été prises, le bruit d’un mariage projeté entre Edmond et mademoiselle de Soulanges avait transpiré ; et si, jusque-là, les plus indiscrets eux-mêmes avaient respecté les espérances secrètes d’une famille vénérée, à la vue d’un malheur qui semblait les anéantir, chacun croyait avoir le droit d’exprimer les regrets douloureux que ce fatal événement faisait naître.

Il n’y a pas de paroles pour rendre le trouble et le déses-