Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poir qui régnèrent dans la maison de Soulanges, lorsque le corps meurtri de la jeune Louise y fut rapporté ; quand on s’aperçut que le médecin demeurait muet à toutes les questions près de la malade plongée dans une torpeur mortelle ; lorsqu’enfin on vit le vieux curé, qui venait de la mettre en communication avec Dieu, accourir en toute hâte. Cette dernière circonstance jeta l’effroi dans toutes les âmes : les gens de la maison ne purent retenir leurs gémissements, et M. de Lébis pâlit encore et détourna la vue.

Cependant M. Delahire donna l’ordre de monter le brancard jusqu’à l’appartement. Celles des femmes de la maison qui avaient conservé le plus de présence d’esprit se chargèrent de mettre leur jeune maîtresse au lit, et ce ne fut que quelques instants après ces soins et une nouvelle inspection, que le médecin annonça que la malade respirait, mais que le repos et le silence lui étaient indispensables.

La malheureuse mère était entrée dans la chambre avec le corps de sa fille.

La vue de son sang mêlée au souvenir de ses dernières paroles : je voudrais ! je veux mourir ! avait fait tomber un poids si affreux sur son âme, qu’elle en était devenue en quelque sorte insensible. Le souhait pieux de son enfant et son accomplissement funeste s’étaient succédé si rapidement, que, dans sa stupeur, cette mère infortunée y voyait un arrêt irrévocable devant lequel toute espérance devait s’éteindre.

Le curé s’était remis en prière : mais au milieu de la douleur générale, il y avait quelqu’un qui en éprouvait une toute à part. Depuis le moment où le corps de mademoiselle le Soulanges avait été porté dans l’intérieur des appartements, le jeune Edmond, retenu par un sentiment de respect et de décence, n’avait pas osé y pénétrer. Demeuré seul sur l’escalier, l’excès de son anxiété ne l’empêcha cependant pas de sentir ce que sa position avait de faux, et il redescendit dans la cour pour quitter la maison.

Jamais notre âme n’est plus péniblement affectée que quand l’expansion d’une douleur juste et poignante est barrée tout à coup par les bienséances. L’idée que mademoiselle