Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/575

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vue, Robert s’agenouilla et se prit à pleurer. Flavie, portant alternativement ses yeux sur Zénobie et Robert, incertaine d’abord, mais entraînée bientôt par un instinct irrésistible, tomba aussi à genoux. Ses compagnes restèrent immobiles, mais en prenant part intérieurement à la réciprocité des sourires de tendresse que Zénobie, Robert et Flavie échangeaient entre eux.

À cette scène d’émotion succédèrent quelques instants de silence, et bientôt Zénobie reprit son calme solennel. « Levez-vous, dit-elle à ceux qui s’étaient agenouillés ; et toi, Robert, écoute ce qu’il m’est permis de te dire, comme conseils à suivre, pendant l’espace de temps qu’il te reste à vivre sur la terre. Le lieu où vous êtes, le limbe, forme un cercle immense qui sépare le contour de la grande muraille de l’asile réservé aux âmes qui s’épurent encore et à celles qui sont enfin épurées. L’obstacle qui vous arrête est un mur de diamant, dont l’épaisseur est telle qu’aucun nombre de mesures connues de vous sur la terre, ne pourrait vous en faire concevoir une idée. Employant donc votre langage lorsque vous ne savez plus comment apprécier l’étendue d’une chose ou d’un espace, je dirai que l’épaisseur de ce mur est infinie. Et cependant, tout est déjà tellement épuré là où vous êtes parvenu, que cet immense mur de diamant laisse à vos yeux, à vos oreilles, la faculté de nous voir et de nous entendre aussi distinctement que si nous étions assez rapprochés pour que nos mains pussent se joindre.

» À droite et à gauche de ce limbe, qui va en tournant, observez attentivement ce qui s’y passe : vous verrez que tous ces êtres, toutes ces larves que vous avez rencontrées dans la plaine, dans le souterrain, après s’être successivement dépouillés de ce qu’ils avaient de plus matériel en s’infiltrant, pour ainsi dire, entre les roches, les cailloux et le sable dont est formé le grand mur, arrivent à ce point de repos, sous une forme tellement ténue, qu’il est à peine possible de la saisir et de la voir.

» Tous ces êtres desséchés, amoindris, se reposent dans le limbe, exposés à cet air actif, à cette lumière vive qui doit les épurer encore, et bientôt ils deviennent dignes de