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déjà formé. On fit silence, et Cornelia avant de commencer répéta : N’oubliez pas que l’Italie a peu de ballades historiques, et que celle-ci est une pauvre chanson d’aveugle.

GINEVRA.

Gloire à l’éternel Créateur ! Gloire au véritable Jésus né de Marie, pour effacer la première faute d’Adam par laquelle nous étions tous damnés avant la venue du Christ ! Gloire à la céleste monarchie : et que Dieu me fasse la grâce d’avoir à raconter une histoire qui plaise à tous !

Vers l’an 1396 de notre Seigneur, il arriva, à Florence, une singulière aventure amoureuse. Mais d’abord, chers auditeurs, il faut que je vous dise les douleurs que l’on éprouva dans cette ville, lorsque, déjà déchirée par des factions haineuses, elle se vit encore menacée de la peste. On gardait le souvenir de la maladie qui s’était déclarée en 1348 ; fléau qui fut si terrible, que plus des trois quarts des habitants de la Toscane moururent. Aussi, dès que l’on prévit le retour de ce mal, la ville de Florence se remplit d’épouvante.

Bientôt les frères de la Miséricorde allèrent de tous côtés en processions solennelles, pour apaiser ce fléau. Non-seulement ils faisaient constamment de dévotes prières au Christ, mais, bravant la fatigue et les dangers, ils visitaient toutes les maisons pour y distribuer des boissons et de la nourriture, dans l’espérance que Dieu aurait pitié des hommes et ferait cesser le mal. Ce fut au milieu de ces malheurs qu’eut lieu l’aventure, qu’avec l’aide de Dieu nous allons faire connaître. Il s’agit d’amour, comme on le sait déjà, et d’une jeune fille amoureuse.

Cette belle et noble personne était de la famille des Amieri. Nulle, dans Florence, n’était plus sage et plus réservée qu’elle ; nulle n’avait le cœur et l’esprit plus élevés. On la regardait comme le miroir brillant de toutes les vertus, et quand elle allait se promener sur la place du Vieux-Marché tout le monde se pressait pour la voir et l’entendre.