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Ce fut là qu’Antonio, de la famille des Bondelli, la vit, et que son cœur fut épris de ses grâces et de sa beauté. Pendant quatre ans, et malgré les assiduités inquiétantes des jeunes gens les plus aimables de la Toscane auprès de Ginevra, Antonio ne cessa pas de penser à elle, de la suivre, et de lui faire voir à quel point il l’aimait. Ce qu’il endura de chagrins, de peines et de tourments, ne se peut dire ; il suffit que l’on sache que plusieurs fois il la fit demander en mariage à son père, qui ne voulut jamais la lui accorder. Ce père n’était point un homme déraisonnable. Quoiqu’il n’eût rien à reprocher à Antonio sur ses mœurs et son caractère, il était comme tous les chefs de grande famille, et désirait de faire contracter un mariage à sa fille, qui fit honneur au nom et à la noblesse des Amieri. Après avoir cherché un parti sortable, il passa, dans Florence, pour avoir fait un choix sage en donnant Ginevra à Francesco des Agolanti, jeune homme d’un extérieur agréable, riche et estimé de tout le monde. Les cérémonies d’usage eurent lieu, et lorsque Francesco eut donné l’anneau nuptial à sa jeune et belle épouse, il l’emmena dans sa maison.

Au moment où Antonio apprit cette nouvelle, il sentit comme un couteau froid qui lui traversait le cœur. Privé de Ginevra, de celle qui nourrissait toutes ses espérances, qui faisait tout son bonheur et sa vie, il jura de ne point se marier et de ne jamais aimer d’autre femme. Il tint sa résolution, et par la suite, le seul adoucissement qu’il put apporter à sa douleur était d’aller d’église en église à chaque fête patronale, pour épier à la dérobée et voir de loin celle qui ne sortait pas de sa pensée.

Cependant, la grande peste se déclara à Florence. La belle Ginevra tomba malade, sans que l’on eût toutefois aucune raison de croire qu’elle fût atteinte de la contagion. Mais comme cette jeune dame était d’une complexion délicate, et que le mal qu’elle ressentait avait apporté subitement une grande altération dans ses traits, tous ceux qui l’environnaient crurent qu’elle était sur le point de mourir. Toute sa famille s’empressa de lui porter secours ; on lui fit respirer des eaux spiritueuses, on lui frotta les pieds et les mains,