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la médecine, elle s’arrangeait on ne peut mieux d’un docteur qui réformait ses ordonnances à son gré, et dont la conversation n’était pas sans charme pour elle.

M. Tilorier prit donc place sur le banc, et tâta le pouls de mademoiselle de Liron, qui avait placé sa main sur son genou. Le docteur resta près d’une minute sans parler.

— Vous avez plus d’agitation qu’à l’ordinaire, dit-il ; évitez les émotions vives, ne vous fâchez pas surtout, ne marchez pas trop vite ni trop longtemps, et... enfin...

— Ah ! nous y voilà, interrompit mademoiselle de Liron ; pas de café le matin, n’est-ce pas ? Écoutez, mon cher docteur, si vous craignez que le café ne me fasse mourir, moi, je vous préviens que je mourrai de chagrin dans le cas où vous m’empêcheriez d’en prendre. Nous sommes donc à deux de jeu, laissez-moi au moins la consolation du plaisir.

Mademoiselle de Liron débita cette folie avec une insouciance mêlée de gaieté, qui contrastait singulièrement avec l’air grave et soucieux que prit la figure du médecin sur lequel Ernest avait les yeux fixés. Ce dernier prit la parole :

— Sérieusement, monsieur, pensez-vous que l’usage du café soit dangereux pour mademoiselle de Liron ?

— Très-sérieusement, monsieur, répondit M. Tilorier.

— Eh bien ! ma cousine, continua Ernest avec quelque altération dans la voix, vous ne nous ferez pas le chagrin de persister à faire une chose qui peut vous nuire, n’est-ce pas ?

— Mais je ne suis pas malade, observa mademoiselle de Liron en regardant tour à tour Ernest et le médecin, dont l’air inquiet fit peu à peu disparaître la gaieté de sa figure. Cependant... si le docteur le dit... si vous le voulez, Ernest, j’obéirai.

Ernest prit la main de sa cousine en signe de satisfaction, et la figure de M. Tilorier reprit son air de douceur et de sérénité accoutumées. Il se retira. Ernest, qui n’était pas sans inquiétude, fit de nouvelles questions à sa cousine sur ce qu’elle éprouvait ; mais elle parla sur tous les détails de ses indispositions avec tant d’originalité et d’indifférence, et le