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caractère timide de M. Tilorier lui donnait si beau jeu pour faire croire qu’il exagérait tous les dangers et qu’il avait peur d’un rien, qu’Ernest, ébloui par la gaieté de sa cousine, riant avec elle des précautions méticuleuses du docteur, et n’entendant d’ailleurs absolument rien à la médecine, se sentit bientôt délivré des craintes qu’il avait conçues d’abord.

Cette journée et la suivante se passèrent ainsi à refaire en quelque sorte connaissance, et à mettre Ernest au courant de tous les changements qui s’étaient opérés pendant son absence. Mais le troisième jour, notre jeune voyageur commença à trouver le silence de sa cousine bien long, et sans rien faire ouvertement qui allât contre les promesses qu’il lui avait faites, il chercha une occasion de la mettre dans la nécessité de lui faire part de ses intentions et de lui ouvrir son cœur.

C’était après le déjeuner ; mademoiselle Justine de Liron était remontée pour un instant chez elle, et Ernest qui, depuis son retour, n’était pas encore rentré dans cette chambre qu’elle occupait, regardait du jardin la fenêtre qui était ouverte. Sa cousine s’en approcha et le vit.

— Y aurait-il par trop d’indiscrétion à moi, dit-il, si je vous demandais la permission de me présenter chez vous ?

Mademoiselle de Liron, qui jugea au ton dont ces paroles furent prononcées qu’elle ferait un chagrin mortel à son cousin si elle le refusait, leva d’abord les yeux au ciel comme si elle eût à implorer l’assistance d’en haut, et par un mouvement de sa main laissa deviner son consentement.

À vrai dire, jusqu’à ce moment l’âme d’Ernest ne s’était pas encore sentie à Chamaillères ; mais au battement de son cœur et au tintement d’oreilles qu’il ressentit en montant cet escalier, en tournant la clef de cette porte, en revoyant cette chambre dont le souvenir était si fortement empreint dans sa mémoire, il lui sembla que l’année qui venait de s’écouler était un rêve, et que tout agité, tout radieux encore du bonheur de la veille, il venait donner le bonjour à son amante.

C’est ce que mademoiselle de Liron redoutait. Elle-même était loin d’être calme, et pour prévenir les conséquences