Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/118

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Voyez quand la pervenche, en nos champs ignorée,
Offre à Rousseau sa fleur si long-temps désirée !
La pervenche, grand dieu ! La pervenche ! Soudain
Il la couve des yeux ; il porte la main,
Saisit sa douce proie : avec moins de tendresse
L’amant voit, reconnoît, adore sa maîtresse.
Mais le besoin commande : un champêtre repas,
Pour ranimer leur force, a suspendu leurs pas ;
C’est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades.
Bacchus se rafraîchit dans les eaux des Nayades.
Des arbres pour lambris, pour tableaux l’horison,
Les oiseaux pour concert, pour table le gazon !
Le laitage, les œufs, l’abricot, la cerise,
Et la fraise des bois, que leurs mains ont conquise,
Voilà leurs simples mets ; grâce à leurs doux travaux
Leur appétit insulte à tout l’art des méots.
On fête, on chante Flore et l’antique Cybèle,
Eternellement jeune, éternellement belle.
Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés,
Par la mode introduits, par la mode emportés ;
Mais la grandeur d’un dieu, mais sa bonté féconde,
La nature immortelle et les secrets du monde.
La troupe enfin se lève ; on vole de nouveau
Des bois à la prairie, et des champs au coteau ;
Et le soir dans l’herbier, dont les feuilles sont prêtes,
Chacun vient en triomphe apporter ses conquêtes.