Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/125

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Laissez aux cabinets des villes et des rois
Ces corps où la nature a violé ses lois,
Ces fœtus monstrueux, ces corps à double tête,
La momie à la mort disputant sa conquête,
Et ces os de géant, et l’avorton hideux
Que l’être et le néant réclamèrent tous deux.
Mais si quelqu’oiseau cher, un chien, ami fidèle,
A distrait vos chagrins, vous a marqué son zèle,
Au lieu de lui donner ces honneurs du cercueil
Qui dégradent la tombe et profanent le deuil,
Faites-en dans ces lieux la simple apothéose :
Que dans votre élysée avec grâce il repose !
C’est là qu’on veut le voir ; c’est là que tu vivrois,
O toi dont Lafontaine eût vanté les attraits,
O ma chère Raton, qui, rare en ton espèce,
Eus la grâce du chat et du chien la tendresse ;
Qui, fière avec douceur et fine avec bonté,
Ignoras l’égoïsme à ta race imputé.
Là je voudrois te voir, telle que je t’ai vue,
De ta molle fourrure élégamment vêtue,
Affectant l’air distrait, jouant l’air endormi,
Epier une mouche, ou le rat ennemi,
Si funeste aux auteurs, dont la dent téméraire
Ronge indifféremment Dubartas ou Voltaire ;
Ou telle que tu viens, minaudant avec art,
De mon sobre dîner solliciter ta part ;