Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/128

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Entendrai-je toujours les bonds de vos troupeaux ?
Faut-il toujours dormir au bruit de vos ruisseaux ?
Zéphir n’est-il point las de caresser la rose,
De ses jeunes boutons depuis long-temps éclose ?
Et l’écho de vos vers ne peut-il une fois
Laisser dormir en paix les échos de nos bois ?
Peut-on être si pauvre, en chantant la nature ?
Oh ! Que, plus varié, moins vague en sa peinture,
Horace nous décrit en vers délicieux
Ce pâle peuplier, ce pin audacieux,
Ensemble mariant leurs rameaux frais et sombres,
Et prêtant au buveur l’hospice de leurs ombres ;
Tandis qu’un clair ruisseau, se hâtant dans son cours,
Fuit, roule et de son lit abrège les détours !
La nature en ses vers semble toujours nouvelle,
Et vos vers, en naissant, sont déjà vieux comme elle.
Ah ! C’est que, pour les peindre, il faut aimer les champs !
Mais souvent, insensible à leurs charmes touchans,
Des rimeurs citadins la muse peu champêtre
Les peint sans les aimer, les peint sans les connoître ;
A peine ils ont goûté la paix de leur séjour,
La fraîcheur d’un beau soir, ou l’aube d’un beau jour.
Aussi lisez leurs vers ; on connoît à leur style
Dans ces peintres des champs les amis de la ville.
Voyez-les prodiguer, toujours riches de mots,
L’émeraude des prés et le cristal des flots.