Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/129

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L’aurore, sans briller sur un trône d’opale,
Ne peut point éclairer la rive orientale ;
Le pourpre et le saphir forment ses vêtemens.
Répand-elle des fleurs ? Ce sont des diamans !
Ils vont puiser à Tyr, vont chercher au Potose,
Le teint de la jonquille et celui de la rose.
Ainsi, d’or et d’argent, de perles, de rubis,
De la simple nature ils chargent les habits,
Et, croyant l’embellir, leur main la défigure.
Puisque la poësie est sœur de la peinture,
Ecoutez de Zeuxis ces mots trop peu connus.
Un artiste novice osoit peindre Vénus.
Ce n’étoient point ses traits et ses grâces touchantes,
D’un buste harmonieux les rondeurs élégantes,
Ces contours d’un beau sein, ces bras voluptueux ;
Ce n’étoit point Vénus : son pinceau fastueux
Avoit prodigué l’or, l’argent, les pierreries,
Et Cypris se perdoit sous d’amples draperies.
Que fais-tu, malheureux ? Dit Zeuxis irrité ;
Tu nous peins la richesse, et non pas la beauté !
Rimeur sans goût, ce mot vous regarde vous-même :
Je le répète, il faut peindre ce que l’on aime.
N’imitez pas pourtant ces auteurs trop soigneux,
Qui, des beautés des champs amans minutieux,
Préférant dans leurs vers Linnéus à Virgile,
Prodiguent des objets un détail inutile ;