Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/132

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Passez les mers ; volez aux lieux où le soleil
Donne aux quatre saisons un plus riche appareil.
Sous le ciel éclatant de cette ardente zône
Montrez-nous l’Orénoque et l’immense Amazone,
Qui, fiers enfans des monts, nobles rivaux des mers,
Et baignant la moitié de ce vaste univers,
Epuisent, pour former les trésors de leur onde,
Les plus vastes sommets qui dominent le monde ;
Baignent d’oiseaux brillans un innombrable essaim,
De masses de verdure enrichissent leur sein :
Tantôt, se déployant avec magnificence,
Voyagent lentement, et marchent en silence ;
Tantôt avec fracas précipitent leurs flots,
De leurs mugissemens fatiguent les échos,
Et semblent, à leur poids, à leur bruyant tonnerre,
Plutôt tomber des cieux que rouler sur la terre.
Peignez de ces beaux lieux les oiseaux et les fleurs,
Où le ciel prodigua le luxe des couleurs ;
De ces vastes forêts l’immensité profonde,
Noires comme la nuit, vieilles comme le monde ;
Ces bois indépendans, ces champs abandonnés ;
Ces vergers, du hasard enfans désordonnés ;
Ces troupeaux sans pasteurs, ces moissons sans culture ;
Enfin cette imposante et sublime nature,
Près de qui l’Apennin n’est qu’un humble coteau,
Nos forêts des buissons, le Danube un ruisseau.