Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/134

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Ces prismes colorés ; ce luxe des hivers,
Qui, se jouant aux yeux en cent reflets divers,
Brise des traits du jour les flèches transparentes ;
Se suspend aux rochers en aiguilles brillantes,
Tremble sur les sapins en mobiles cristaux ;
D’une écorce de glace entoure les roseaux ;
Recouvre les étangs, les lacs, les mers profondes,
Et change en bloc d’azur leurs immobiles ondes.
Eblouissant désert ! Brillante immensité,
Où, sur son char glissant légèrement porté,
Le rapide lapon court, vole, et de ses rennes,
Coursiers de ces climats, laisse flotter les rênes.
Ainsi vous parcourez mille sites divers.
Mais bientôt, revenu dans des climats plus chers,
Plus doux dans leur été, plus doux dans leur froidure,
Et d’un ciel sans rigueur molle température,
Vous nous rendez nos prés, nos bois, nos arbrisseaux,
Les nids de nos buissons, le bruit de nos ruisseaux ;
Nos fruits qu’un teint moins vif plus doucement colore ;
Notre simple Palès, notre modeste Flore ;
Et, pauvre de couleurs, mais riche de sa voix,
Le rossignol encore enchantera nos bois.
Mais n’allez pas non plus toujours peindre et décrire :
Dans l’art d’intéresser consiste l’art d’écrire.
Souvent dans vos tableaux placez des spectateurs ;
Sur la scène des champs amenez des acteurs :