Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/135

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Cet art de l’intérêt est la source féconde.
Oui, l’homme aux yeux de l’homme est l’ornement du monde :
Les lieux les plus rians sans lui nous touchent peu ;
C’est un temple désert qui demande son dieu.
Avec lui mouvement, plaisir, gaîté, culture ;
Tout renaît, tout revit : ainsi qu’à la nature,
La présence de l’homme est nécessaire aux arts.
C’est lui dans vos tableaux que cherchent nos regards.
Peuplez donc ces coteaux de jeunes vendangeuses,
Ces vallons de bergers, et ces eaux de baigneuses,
Qui, timides, à peine osant aux flots discrets
Confier le trésor de leurs charmes secrets,
Semblent, en tressaillant dans leurs rayeux extrêmes,
Craindre leurs propres yeux, et rougir d’elles-mêmes ;
Tandis que, les suivant sous le cristal de l’eau,
Un faune du feuillage entr’ouvre le rideau.
Que si l’homme est absent de vos tableaux rustiques,
Quel peuple d’animaux sauvages, domestiques,
Courageux ou craintifs, rebelles ou soumis,
Esclaves patiens ou généreux amis,
Dont le lait vous nourrit, dont vous filez la laine,
D’acteurs intéressans vient occuper la scène !
Ceux qui de Wouvermans exerçoient les pinceaux,
Qui du riant Berghem animoient les tableaux,
Ne vous disent-ils rien ? La lyre du poëte
Ne peut-elle du peintre égaler la palette ?