Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/137

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Peu d’accord avec soi dans sa prose divine,
Voulut ne voir en eux qu’une adroite machine,
Qu’une argile mouvante, et d’aveugles ressorts
D’une grossière vie organisant leurs corps :
Buffon les peint ; chacun de sa main immortelle
Du feu de Prométhée obtint une étincelle :
Le chien eut la tendresse et la fidélité,
Le bœuf, la patience et la docilité ;
Et fier de porter l’homme, et sensible à la gloire,
Le coursier partagea l’orgueil de la victoire.
Ainsi chaque animal, rétabli dans ses droits,
Lui dut un caractère et des mœurs et des lois.
Mais que dis-je ? Déjà l’auguste poësie
Avoit donné l’exemple à la philosophie.
C’est elle qui toujours, dans ses riches tableaux,
Unit les dieux à l’homme, et l’homme aux animaux.
Voyez-vous dans Homère, aux siècles poëtiques,
Les héros haranguant leurs coursiers héroïques ?
Ulysse est de retour, ô spectacle touchant !
Son chien le reconnoît, et meurt en le léchant.
Et toi, Virgile, et toi, trop éloquent Lucrèce,
Aux mœurs des animaux que votre art intéresse !
Avec le laboureur je détèle, en pleurant,
Le taureau qui gémit sur son frère expirant.
Les chefs d’un grand troupeau se déclarent la guerre :
Au bruit dont leurs débats font retentir la terre,