Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/145

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Où le berger pensif voit flotter son image,
Rend moins fidèlement les fleurs de son rivage.
S’il me peint les bergers, leurs amours, leurs concerts,
L’âge d’or tout entier respire dans ses vers.
Lisez Virgile : heureux qui sait goûter ses charmes !
Malheureux qui le lit sans verser quelques larmes !
Lorsque sa voix si douce en des sons si touchans
S’écrie : heureux vieillard, tu conserves tes champs !
Combien il m’intéresse à ce vieillard champêtre !
Ce verger qu’il planta, ce toit qui le vit naître,
J’y crois être avec lui ; le tendre tourtereau,
Et l’amoureux ramier roucoulant sous l’ormeau,
Sur la saussaie en fleur l’abeille qui bourdonne,
Les airs qu’au haut des monts le bucheron fredonne,
Ces bois, ces frais ruisseaux ! Ah ! Quel peintre eut jamais
De plus douces couleurs et des tableaux plus vrais !
Mais qu’entends-je ? Quels sons ? Ah ! C’est Gallus qui chante,
Il chante Lycoris, sa Lycoris absente.
Sa voix pour Lycoris conjure les frimats
D’émousser leurs glaçons sous ses pieds délicats.
Dieu du chant pastoral ! ô Virgile ! ô mon maître !
Quand je voulus chanter la nature champêtre,
Je l’observai ; j’errois avec des yeux ravis
Dans les bois, dans les prés : je te lus et je vis
Que la nature et toi n’étoient qu’un. Ah ! Pardonne
Si, fier de ramasser des fleurs de ta couronne,