Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et vous qui de la cour affrontez les tempêtes,
Qu’ont de commun les champs et le trouble où vous êtes ?
Vous y paroissez peu ; c’est un gîte étranger,
De votre inquiétude hospice passager.
Qu’un jour vous gémirez de vos erreurs cruelles !
Les flatteurs sont ingrats : vos arbres sont fidèles,
Sont des hôtes plus sûrs, de plus discrets amis,
Et tiennent beaucoup mieux tout ce qu’ils ont promis.
Désertant des cités la foule solitaire,
D’avance venez donc apprendre à vous y plaire.
Cultivez vos jardins, volez quelques instans
Aux projets des cités, pour vos projets des champs ;
Et si vous n’aimez point la campagne en vrai sage,
La vanité du moins chérira son ouvrage.
Cependant, pour charmer ces champêtres loisirs,
La plus belle retraite a besoin de plaisirs.
Choisissons ; mais d’abord n’ayons pas la folie
De transporter aux champs Melpomène et Thalie :
Non qu’au séjour des grands j’interdise ces jeux,
Cette pompe convient à leurs châteaux pompeux ;
Mais sous nos humbles toits ces scènes théâtrales
Gâtent le doux plaisir des scènes pastorales.
Avec l’art des cités arrive leur vain bruit ;
L’étalage se montre, et la gaîté s’enfuit.
Puis, quelquefois les mœurs se sentent des coulisses,
Et souvent le boudoir y choisit ses actrices.