Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/46

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Ainsi l’ame jouit, soit qu’une fraîche aurore
Donne la vie aux fleurs qui s’empressent d’éclore,
Soit que l’astre du monde, en achevant son tour,
Jette languissamment les restes d’un beau jour.
Tel, quand des fiers combats Homère se repose,
Il aime à colorer l’aurore aux doigts de rose :
Tel le brillant Lorrain, de son pinceau touchant,
Souvent dore un beau ciel des rayons du couchant.
Etudiez aussi les momens de l’année :
L’année a son aurore, ainsi que la journée.
Ah ! Malheureux qui perd un spectacle si beau !
Le jeune papillon, échappé du tombeau,
Qui sur les fruits naissans, qui sur les fleurs nouvelles,
S’envole frais, brillant, épanoui comme elles,
Jouit moins au sortir de sa triste prison,
Que le sage au retour de la belle saison.
Adieu des paravents l’ennuyeuse clôture,
Adieu livres poudreux, adieu froide lecture !
Du grand livre des champs les trésors sont ouverts :
Partons, que les beaux lieux me rendent les beaux vers !
Si des beaux jours naissans on chérit les prémices,
Les beaux jours expirans ont aussi leurs délices ;
Dans l’automne, ces bois, ces soleils pâlissans,
Intéressent notre ame, en attristant nos sens :
Le printemps nous inspire une aimable folie ;
L’automne, les douceurs de la mélancolie.