Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/52

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Ah ! Dévoue à la mort l’animal dont la tête
Présente à notre bras une digne conquête,
L’ennemi des troupeaux, l’ennemi des moissons.
Mais quoi ! Du cor bruyant j’entends déjà les sons ;
L’ardent coursier déjà sent tressaillir ses veines,
Bat du pied, mord le frein, sollicite les rênes.
A ces apprêts de guerre, au bruit des combattans,
Le cerf frémit, s’étonne et balance long-temps.
Doit-il loin des chasseurs prendre son vol rapide ?
Doit-il leur opposer son audace intrépide ?
De son front menaçant ou de ses pieds légers,
A qui se fîra-t-il dans ces pressans dangers ?
Il hésite long-temps : la peur enfin l’emporte ;
Il part, il court, il vole : un moment le transporte
Bien loin de la forêt, et des chiens et du cor.
Le coursier, libre enfin, s’élance et prend l’essor ;
Sur lui l’ardent chasseur part comme la tempête,
Se penche sur ses crins, se suspend sur sa tête.
Il perce les taillis, il rase les sillons,
Et la terre sous lui roule en noirs tourbillons.
Cependant le cerf vole, et les chiens sur sa voie
Suivent ces corps légers que le vent leur envoie ;
Partout où sont ses pas sur le sable imprimés,
Ils attachent sur eux leurs naseaux enflammés ;
Alors le cerf tremblant, de son pied, qui les guide,
Maudit l’odeur traîtresse et l’empreinte perfide.