Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/56

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Que dis-je ? Autour de lui tandis que tout sommeille,
La lampe inspiratrice éclaire encor sa veille.
Vous consolez ses maux, vous parez son bonheur ;
Vous êtes ses trésors, vous êtes son honneur,
L’amour de ses beaux ans, l’espoir de son vieil âge,
Ses compagnons des champs, ses amis de voyage ;
Et de paix, de vertus, d’études entouré,
L’exil même avec vous est un abri sacré.
Tel l’orateur romain, dans les bois de Tuscule,
Oublioit Rome ingrate ; ou tel, son digne émule,
Dans Frênes, Daguesseau goûtoit tranquillement
D’un repos occupé le doux recueillement :
Tels, de leur noble exil tous deux charmoient les peines.
Malheur aux esprits durs, malheur aux ames vaines
Qui dédaignent les arts au temps de leur faveur !
Les beaux arts à leur tour, dans les temps du malheur,
Les livrent sans ressource à leur vile infortune.
Mais avec leurs amis ils font prison commune,
Les suivent dans les champs, et, payant leur amour,
Consolent leur exil et chantent leur retour.
Mais c’est peu des beaux lieux, des beaux jours, de l’étude,
Je veux que l’amitié, peuplant ma solitude,
Me donne ses plaisirs et partage les miens.
O jours de ma jeunesse ! Hélas ! Je m’en souviens,
Epris de la campagne et l’aimant en poëte,
Je ne lui demandois qu’un désert pour retraite,