Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/90

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Son art joignit encor des prodiges nouveaux,
Et réunit deux mers par ses hardis travaux.
Non, l’Égypte et son lac, le Nil et ses merveilles
Jamais de tels récits n’ont frappé les oreilles.
Là, par un art magique, à vos yeux sont offerts
Des fleuves sur des ponts, des vaisseaux dans les airs ;
Des chemins sous des monts, des rocs changés en voûte,
Où vingt fleuves, suivant leur ténébreuse route,
Dans de noirs souterrains conduisent les vaisseaux,
Qui du noir Achéron semblent fendre les eaux ;
Puis, gagnant lentement l’ouverture opposée,
Découvrent tout à coup un riant Elysée,
Des vergers pleins de fruits et des prés pleins de fleurs,
Et d’un bel horison les brillantes couleurs.
En contemplant du mont la hauteur menaçante,
Le fleuve quelque temps s’arrête d’épouvante ;
Mais, d’espace en espace en tombant retenus,
Avec art applanis, avec art soutenus,
Du mont, dont la hauteur au vallon doit les rendre,
Les flots, de chute en chute, apprennent à descendre ;
Puis, traversant en paix l’émail fleuri des prés,
Conduisent à la mer les vaisseaux rassurés.
Chef-d’œuvre qui vainquit les monts, les champs, les ondes,
Et joignit les deux mers qui joignent les deux mondes !
Mais ces fleuves féconds sont souvent destructeurs :
Sachez donc réprimer ces flots dévastateurs.