Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/91

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Tout connut ce bel art, et l’antiquité même
En présente à nos yeux l’ingénieux emblème.
Du fabuleux Ovide écoutez le récit.
Achéloüs, dit-il, échappé de son lit,
Entraînoit les troupeaux dans ses eaux orageuses,
Rouloit l’or des moissons dans ses vagues fangeuses,
Emportoit les hameaux, dépeuploit les cités,
Et changeoit en déserts les champs épouvantés.
Soudain Hercule arrive et veut dompter sa rage :
Dans les flots écumans il se jette à la nage,
Les fend d’un bras nerveux, appaise leurs bouillons,
Et ramène en leur lit leurs fougueux tourbillons.
Du fleuve subjugué l’onde en courroux murmure :
Aussitôt d’un serpent il revêt la figure ;
Il siffle, il s’enfle, il roule, il déroule ses nœuds,
Et de ses vastes plis bat ses bords sablonneux.
À peine il l’aperçoit, le vaillant fils d’Alcmène
De ses bras vigoureux le saisit et l’enchaîne ;
Il le presse, il l’étouffe, et de son corps mourant
Laisse le dernier pli sur l’arène expirant,
Se relève en fureur, et lui dit : téméraire,
Osas-tu bien d’Hercule affronter la colère ?
Et ne savois-tu pas, qu’en son berceau fameux
Des serpens étouffés furent ses premiers jeux ?
Etonné, furieux de sa double victoire,
Le fleuve de ses flots prétend venger la gloire,